1. |
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chaque éclaircie remet le monde en nous
les cumulus roulent avec l’écume
de château de sable en continent
mais pourquoi ne garder de l’enfance
que les monstres des cauchemars
pourquoi devenir ces hommes de sel
ces femmes sans mystère
**
les jours implosent dans l’œuf
les semaines suivent des cortèges funèbres
la foule apprend à vieillir
pare-choc à pare-choc
beau temps mauvais temps
sous la loi du marché
sous l’œil de verre des calculatrices
je peux accepter que l’instant soit gaspillé
mais jamais que sa beauté souffre l’ignorance
**
quand toutes les issues sont bloquées
la beauté ne peut se nourrir que du tragique
l’horloge adapte l’élan humain à la roue
comme les arbres faisant pousser le cou des girafes
là où la poésie finit
les religions commencent
et l’économie soudoie la science
anges de catastrophe aérienne
mouches aux ailes arrachées
les survivants en viennent à se dévorer entre eux
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2. |
Les ombres 2
05:00
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je cherche mes mains dans la brume du matin
je les retrouve
contre le mur de la nuit impossible
pleines de lignes qui ne s’y trouvaient pas la veille
réseaux routiers sillonnés de fantômes
travailleurs égarés
au bout du mirage des moulins à flamme
reflets d’hélices coincées dans les algues
les esclaves ne retrouvent plus la grève
tout ce temps perdu à mourir
**
un naufrage est inscrit dans les gènes
avec la couleur des yeux
parmi les voix des ancêtres
les visages envolés reviennent après l’agonie
ils n’en gardent aucune trace
les corps aussi reviennent
et retrouvent leurs formes des beaux jours
et leur fraîcheur
même les gestes
les tics
les tempéraments
où sont les êtres
**
parmi les ballons multicolores
sur les ondes de l’eau
nos voix s’élèvent dans l’air
elles s’évaporent
et retombent bientôt
attiédies
sinon froides à glacer les os
nous sommes les nuages
nous voulons durer
mais nous n’aimons que passer
**
nous sommes des trésors
à partager
sinon à laisser à d’autres
en totalité
dans le magma de la planète
au fil de l’eau des origines
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3. |
Les ombres 3
04:55
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le cosmos est aux yeux
ce que l’ombre est aux choses
à quel âge est morte la Voie Lactée
et quel âge aurait-elle
si elle vivait toujours
dans les inscriptions du ciel
il y a bien plus de passé que d’avenir
faut-il donc disparaître pour briller
d’ici c’est peu probable
la lumière se perd dans les jeux de coulisses
avant même d’avoir pu atteindre l’atmosphère
d’ici les étoiles sont de la poudre aux yeux
mais je ne m’étourdis pas
l’autopsie des corps célestes se poursuit
et cette ombre que nous traînons
comme un astre mort
par une fenêtre roulante
depuis combien de temps
**
notre ombre est le négatif de notre image
un négatif qui a déjà servi et qui servira encore
à quelques retouches près
seul l’être est unique
notre ombre ne nous rattrape pas
elle nous précède
et nous la suivons
car nous retournons d’où elle vient
entre temps
dans cette ombre qui nous fait une excroissance
des êtres disparus se glissent
et s’amusent à nous imiter
parfois il se trahissent
ou nous font signe
parfois même
quand nous ne portons pas attention
immobiles et absorbés par nos soucis
les visiteurs
dansent
et jouent à être vivants
à notre place
**
quand la brume se retire
trop de cadavres flottent à l’horizon
au large des forêts de lois
le monde voudrait clarifier sa mémoire
et nous ne faisons qu’inventer
penauds dans nos ceintures de sauvetage
à la surface de la vérité
une longue dérive dans les chiffres
le sommeil des années
où étions-nous déjà
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4. |
La vie continue
03:35
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Le monde est un miroir dans lequel on peut voir ce qu’on veut; en haut, en bas, de tous les côtés; on peut se voir petit, on peut se voir grand; on peut se voir faisant le bien ou le mal; on peut maquiller tout ce qu’on voit ou se regarder en face; et, là encore, choisir de ne voir que laideur ou beauté.
oui mais la vie continue
elle me rappelle à la joie
toujours la vie continue
sur cette terre
Le monde est un long fleuve agité de discours et de bruits; on peut y entendre ce qu’on veut; on peut entendre la mer ou bien la guerre; les appels aux armes ou les appels au secours; on peut monter ou baisser le volume de ce qu’on entend; et décider de n’écouter que la haine ou l’amour.
le jour se relève et la vie continue
là-bas comme ici comme partout
et mon cœur qui bat
un hurlement
ou était-ce un chant
a retenti
au loin
jusqu’à mes pas
sur un chemin de neige
Le monde est dans tout ce qu’on voit et dans tout ce qu’on entend; mais aussi dans ce qui reste caché : le mystère de la vie qui continue.
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5. |
Une belle soirée
05:25
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le printemps fleurit dans les blessures cachées
tous les désespoirs sont permis
l’énergie de dernière chance se décuple
pour réchapper une autre journée
la sortir d’entre ses quatre murs
la voir s’ouvrir
comme une rose
tout simplement
***
le printemps
et sa beauté
appartiennent au diable
il faut les lui arracher
en douce
quand vient le soir
et les garder au frais
jusqu’à la fin des temps
peut-être
mais surtout
dans le phosphore de la pénombre
jusqu’à demain matin
***
sur l’erre d’aller des nuages du printemps
les parfums voyagent
nos sourires restent accrochés aux branches
du soleil
et deviendront des galaxies
sur l’erre d’aller des jours passés
la musique du futur résonne déjà
et le temps et l’espace bougent
comme des flammes
dans les yeux qui se croisent au cœur de la nuit
il y aura toujours une rue au bout de la mer
un bar ou un restaurant
dans l’effervescence du ciel
et une table pour nous
***
voici que le soir interroge les étoiles
dans les yeux des lampadaires
le long des ponts aux lueurs emmêlées
comme des cheveux d’astres fous
au vent du désespoir
sur la rivière enjouée des visages
encore envie de parler
pour que rien ne se rompe
entre maintenant
et toujours
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6. |
Aujourd'hui
04:50
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il y a des choses à noter pour ne pas les oublier
elles n'adhèrent pas bien à la mémoire
glissent sur ses parois
des choses à faire on les nomme ainsi
des choses pré-faites tant il faut les faire
des choses à noter
que l'on préférerait oublier
il y a des choses à noter pour les garder
on ne les retient pas par coeur
elles ne passent pas par le coeur
des choses à classer plutôt qu'à vivre
mais il y a aussi des choses à noter
comme on fredonne certains matins
en regardant des flaques de pluie
briller au soleil
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7. |
Pour ouvrir le monde
05:15
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quand le temps nous manque
et ne semble jamais être libre
il y a pourtant des instants à saisir
dans la fuite des heures
si notre chemin emprunte une voie étroite
chaque jour vers le même enfermement
des ouvertures s’offrent malgré tout
au détour d’une vision
c’est une lune blanche au-dessus d’un jet d’eau
dans un parc à l’heure du lunch en été
c’est un soleil félin qui s’étire sur la neige des toits
dans un lit de nuages resté défait en fin d’après-midi
il y a ceux pour qui le temps passe trop vite
il y a ceux qui trouvent le temps long
mais au cœur des heures il y a des moments clés
pour ouvrir le monde à la durée
c’est remarquer en marchant au printemps
le premier jour qu’un ruisseau se remet à couler
c’est par la fenêtre d’un bureau un moment zen
quand le jour étend ses derniers feux avec ceux de l’automne
la vie qu’on a gagnée il reste à la vivre
tendre les bras vers plus grand que soi
le vrai travail est toujours un geste libre
un élan vers ce qui fait du bien
c’est l’univers entre mes mains instrument de musique
c’est l’ombre des branches sur la cour enneigée à la pleine lune
c’est la part de beauté de toutes les saisons
c’est la vie qui recommence dans le rire d’un enfant
non je n’ai pas la recette du bonheur
mais la joie est bienvenue chez moi
si je peux aider à aimer à comprendre
dans la recherche d’une harmonie
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8. |
L'orée
05:15
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à l’orée du jour
des escaliers
à monter à descendre
au fil des années
un va-et-vient
le long du quotidien
le bonheur réside dans l'art de durer
en explorant l'éphémère
l'éternel retour des choses
pour mieux apprendre à les reconnaître
à l’orée du soir
monter descendre
les escaliers du temps
au fil des pensées
jusqu’à demain
parfaire le chemin
je suis davantage un hasard de la nature
que le produit d’une époque
et j’ai épousé le cycle de la vie
les marches sont circulaires
les jours sont des passants
certains se ressemblent
et d’autres ont dans les yeux
un paysage à découvrir
dans l’air et la lumière
je vais à leur rencontre
et j’entends venir
la musique de l’horizon
sensation nouvelle
beauté en rappel
qui rejaillit en nous
chaque fois la dernière vague
à l’orée d’un sentier
comme au bout de la rue
un retour aux sources
la marche des sens en éveil
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9. |
Ce siècle jeune
04:20
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j’aime ce siècle jeune
où tout est à refaire
je suis à la fois la cigale et la fourmi
la morale se cherche
dans les archives
et sur les fils d’actualité
je ne bois pas le verre de la haine
la diversité des sources me désaltère
au milieu du désert virtuel
de l’hystérie programmée
je ne veux pas jouer à la guerre
je vois sous ses blessures la terre sourire
à ce siècle jeune
aux mille talents en péril
je souris avec elle
malgré la douleur
prêt à tout refaire
avec une énergie nouvelle
j’aime ce siècle jeune
une énergie nouvelle
et aussi ancienne que la vie
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10. |
L'autre rythme des jours
04:55
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11. |
L'autre rive
03:30
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L'AUTRE RIVE
depuis bien longtemps une autre rive me suit
au-delà de la rivière de mes jours
c’est une mince multitude de lueurs
entre les nuages et les reflets
je la vois apparaître au crépuscule
ailleurs vivent d’autres gens c’est une évidence
mais pourquoi moi ici et eux là-bas
chacun est l’autre rive de quelqu’un d’autre
une multitude de signes de vie
de lieux réduits à des signaux indéchiffrables
l’énigme que nous sommes tous
les uns pour les autres et pour nous-mêmes
dans l’incertitude des lendemains
et des identités
en quête de points de repère
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Jean Perron Québec
Écrivain, musicien et artiste visuel, Jean Perron a publié 24 livres en plus de créer entièrement plusieurs albums de pièces instrumentales, de chansons et de poésie accompagnée de musique. Il réalise aussi des courts métrages, y compris des vidéos de certaines de ses compositions. ... more
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