1. |
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JUSTE POUR EFFRAYER LE DANGER
comme flottent des duvets dans l’air de juin
et des flocons dans l’air de décembre
des instants hésitent on dirait
entre rester en suspens
et retomber avec la poussière
l’incertitude est dans l’air du temps
et pourtant les saisons retrouvent leurs repères
dans la marche des jours
et l’envol des nuits
quand tout se tait et respire un peu mieux
un oiseau entonne un air
j’en fais autant sur une guitare
rester
tout en ne faisant que passer
passer
sans vraiment partir
chanter
juste pour effrayer le danger
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2. |
Prendre l'air
03:00
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PRENDRE L’AIR
à l’oreille du soir qui vient
murmurent quelques rares voitures
la noirceur serre le soleil dans ses bras
rien ne m’appelle à l’horizon
le printemps réside en moi
nous faisons quelques pas ensemble
je rentre mes mains
dans les poches de mon manteau
pas pour me réchauffer
mais pour ralentir
marcher au rythme des lueurs
celles qui s’éteignent avec le jour
celles qui apparaissent avec la nuit
au rythme surtout
des plus incertaines et des plus belles des lueurs
celles de l’espoir
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3. |
Les Pâques à New York
05:15
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LES PÂQUES À NEW YORK (EXTRAITS)
1
Seigneur, c’est aujourd’hui le jour de votre Nom,
J’ai lu dans un vieux livre la geste de votre Passion,
Et votre angoisse et vos efforts et vos bonnes paroles
Qui pleurent dans le livre, doucement monotones.
Je connais tous les Christs qui pendent dans les musées;
Mais Vous marchez, Seigneur, ce soir à mes côtés.
Je descends à grands pas vers le bas de la ville,
Le dos voûté, le coeur ridé, l’esprit fébrile.
Votre flanc grand-ouvert est comme un grand soleil
Et vos mains tout autour palpitent d’étincelles.
C’est à cette heure-ci, c’est vers la neuvième heure,
Que votre Tête, Seigneur, tomba sur votre Coeur.
2
Je suis assis au bord de l’océan
Et je me remémore un cantique allemand,
Où il est dit, avec des mots très doux, très simples, très purs,
La beauté de votre Face dans la torture.
Peut-être que la foi me manque, Seigneur, et la bonté
Pour voir ce rayonnement de votre Beauté.
Faites, Seigneur, que mon visage appuyé dans les mains
Y laisse tomber le masque d’angoisse qui m’étreint.
Faites, Seigneur, que mes deux mains appuyées sur ma bouche
N’y lèchent pas l’écume d’un désespoir farouche.
Je suis triste et malade. Peut-être à cause de Vous,
Peut-être à cause d’un autre. Peut-être à cause de Vous.
3
Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice
Est ici, parquée, tassée, comme du bétail, dans les hospices.
D’immenses bateaux noirs viennent des horizons
Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons.
Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,
Des Russes, des Bulgares, des Persans, des Mongols.
Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens.
On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens.
C’est leur bonheur à eux que cette sale pitance.
Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance.
Hélas! Seigneur, Vous ne serez plus là, après Pâques!
Seigneur, ayez pitié des Juifs dans les baraques.
4
La rue est dans la nuit comme une déchirure,
Pleine d’or et de sang, de feu et d’épluchures.
Ceux que vous aviez chassés du temple avec votre fouet,
Flagellent les passants d’une poignée de méfaits.
Seigneur, la Banque illuminée est comme un coffre-fort,
Où s’est coagulé le Sang de votre mort.
Les rues se font désertes et deviennent plus noires.
Je chancelle comme un homme ivre sur les trottoirs.
J’ai peur des grands pans d’ombre que les maisons projettent.
J’ai peur. Quelqu’un me suit. Je n’ose tourner la tête.
Je descends les mauvaises marches d’un café
Et me voici, assis, devant un verre de thé.
5
Je suis seul à présent, les autres sont sortis,
Je me suis étendu sur un banc contre le mur.
J’aurais voulu entrer, Seigneur, dans une église;
Mais il n’y a pas de cloches, Seigneur, dans cette ville.
La joie du Paradis se noie dans la poussière,
Les feux mystiques ne rutilent plus dans les verrières.
L’aube tarde à venir, et dans le bouge étroit
Des ombres crucifiées agonisent aux parois.
C’est comme un Golgotha de nuit dans un miroir
Que l’on voit trembloter en rouge sur du noir.
Des reflets insolites palpitent sur les vitres…
J’ai peur, — et je suis triste, Seigneur, d’être si triste.
6
Seigneur, l’aube a glissé froide comme un suaire
Et a mis tout à nu les gratte-ciels dans les airs.
Déjà un bruit immense retentit sur la ville.
Déjà les trains bondissent, grondent et défilent.
Les métropolitains roulent et tonnent sous terre.
Les ponts sont secoués par les chemins de fer.
La cité tremble. Des cris, du feu et des fumées,
Des sirènes à vapeur rauques comme des huées.
Une foule enfiévrée par les sueurs de l’or
Se bouscule et s’engouffre dans de longs corridors.
Trouble, dans le fouillis empanaché des toits,
Le soleil, c’est votre Face souillée par les crachats.
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4. |
La patience du soleil
03:15
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LA PATIENCE DU SOLEIL
les vélos passent moins proche
beaucoup moins proche ces jours-ci
quand ils arrivent derrière moi
mais laissent parfois une odeur humaine
un instant dans tout ce qu’exhale le printemps
des oiseaux chantent en toute quiétude
une ambulance les rappelle à l’ordre
j’ai un pied dans la douceur de vivre
et l’autre qui saigne avec le monde
je longe un boisé porteur de renaissance
et si le vent est encore un peu froid
le soleil invite à la patience
sa lumière ruisselle entre les branches
comme l’eau et le savon entre mes doigts
à mon retour à la maison
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5. |
Chez moi
03:15
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CHEZ MOI
dans le halo des derniers feux du couchant
avec un bruit familier
des camions nettoient les rues
comme à chaque printemps
quelque chose d’apaisant se glisse dans l’air
au-dessus des toits la lune des fleurs éclot
la fuite du temps emporte tout
même les plus grands malheurs
par une fenêtre éclairée sortent des voix
des esquisses de dialogues
des mots qui se cherchent une musique
sur la portée des trottoirs et des astres
pendant que les camions vont et viennent
je vis dans l’œil des joies balayées
des meilleures chances semées à tous vents
je n’entre pas dans les cases des formulaires
je suis le patient zéro de l’émerveillement
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6. |
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LA NUIT RÊVE
DANS LES BRAS D’UN ARBRE
je jette un coup d’œil dans la chambre
le jeune garçon dort paisiblement
sous le plafond étoilé
dehors la nuit rêve dans les bras d’un arbre
et des derniers rayons du soleil
les réverbères ont pris le relais
pour caresser les feuillages et éclairer les pas
les rues lavées deviennent les miroirs des astres
je vois scintiller des jours à venir
dans les fissures de l’asphalte
et les rides de l’eau
le pollen se mêle aux nuages effilochés
ce monde n’est pas qu’éclosions de maladies
des tiges émergent des parterres cultivés
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7. |
La musique d'un regard
03:10
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LA MUSIQUE D’UN REGARD
les feuillages dégoulinaient de lumière
la rivière coulait sans se presser
les vieilles pierres discutaient architecture
avec leurs soeurs plus modernes
et je déambulais une fois de plus
comme si j’allais vraiment quelque part d’autre
comme si ailleurs n’était pas précisément ici
à chaque pas
dans le mouvement même de la vie
je l’ai aperçue sur un banc
elle tenait un bambin debout sur ses genoux
petits gestes attentifs
pour le protéger de la fraîcheur du vent
elle ajustait ses vêtements
l’enfant se laissait habiller
en battant lentement des paupières
je la regardais faire et je souriais en marchant
elle l’a senti et a levé les yeux
la douceur pâle de son visage
l’eau claire de son regard
spontané son sourire a fait un bond vers mes lèvres
avec la grâce et l’innocence d’un chevreuil
traversant la rue en plein coeur de la ville
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8. |
Loups de décembre
04:05
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LOUPS DE DÉCEMBRE
je suis un fantôme en chair et en os
seul
comme les grands hommes et les vagabonds
parmi ces passants
qui ont l’air d’avoir perdu quelque chose
en déambulant sur les trottoirs du temps
je nous aperçois
attablés devant une chandelle
par la vitrine de l’hôtel existence
le reste de la salle est vide
mais les anges prennent des notes
dans leurs calepins
par-dessus l’épaule du soir
petites araignées de lumière
suspendues au fil d’un rêve
d’autres passants
leurs pas leurs silhouettes leurs visages
se rapprochent
puis s’évanouissent
dans la pénombre sonore
un chat blanc traverse la rue en courant
les voyous donnent le sein aux ombres des rois
les yeux aussi rouges que les feux automobiles
hurlent les loups de décembre
la faune des nuits les plus longues de l’année
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Jean Perron Québec
Écrivain, musicien et artiste visuel, Jean Perron a publié 24 livres en plus de créer entièrement plusieurs albums de pièces instrumentales, de chansons et de poésie accompagnée de musique. Il réalise aussi des courts métrages, y compris des vidéos de certaines de ses compositions. ... more
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